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Descriptif du protocle expérimental
et contexte de sa mise en place
“Les psys désormais remboursés" titrait en avril dernier une gazette célèbre semblant manifestement vanter les mérites dans sa région d'un dispositf expérimentant la prise en charge par la Sécurité Sociale de consultations psychothérapeutiques. Notez bien la formule : “Les psys remboursés". Mais qu'ont-ils donc déboursé ces psys pour mériter ainsi d'être remboursés ?! N'est-ce pas plutôt le patient/client dont on s'attendrait à ce qu'il le soit ? Et que penser aussi de cette simple expression : “Les psys" ? Car en effet, de quels psys parle-t-on au juste ? Des psychiatres ? Non, les consultations auprès d'un psychiatre sont généralement déjà remboursées. Des psychologues ? Sûrement. Mais de nombreuses mutuelles prenaient déjà en charge jusqu'ici un certain nombre de séances de psychothérapie, et surtout de nombreux Centres Médico-Psychologiques accueillent déjà gratuitement les personnes en demande d'accompagnement psychologique assuré par des psychologues. Et par ailleurs, de quel type de consultation parle-t-on ? Une thérapie de couple ? Un bilan neuropsychologique des capacités cognitives ? Un trouble de l'alimentation ? Une addiction au canabis ? Tâchons donc, dans un premier temps, d'analyser précisément le protocole mis à l'épreuve dans cette expérimentation, afin notamment d'en circonsrire à la fois le public et les professionnels réellement concernés. Nous tenterons par la suite d'en examiner les enjeux.
De quoi s'agit-il donc ? Depuis plusieurs mois déjà, dans quatre départements pilotes (Bouches-du-Rhône, Haute Garonne, Landes et Morbihan), tout adulte âgé entre 18 a 60 ans désireux de démarrer un suivi psychologique peut aller consulter un médecin généraliste qui jugera (sur la base de deux minis questionnaires) s'il est atteint ou pas d'un “trouble dépressif", “léger" ou “modéré", auquel cas il peut bénéficier du récent dispositif de remboursement mis en place par l'Agence Régionale de la Santé et en expérimentation durant trois ans. Sur la base d'une liste de professionnels (psychologues ou psychothérapeutes) conventionnés à cet effet par l'ARS et fournie aux médecins généralistes, le demandeur peut alors y choisir un professionnel afin de bénéficier dans un premier temps d'un bilan de 45 minutes (rémunéré 35 euros au professionnel par la CPAM) censé valider ou pas la nécessité d'un suivi (le professionnel devant donc en référer au médecin généraliste prescripteur qui valide ou pas in fine le début du suivi). Le demandeur a alors droit à 10 séances d'entretien dit de “soutien", d'une durée de 30 minutes chacune rémunérée par la CPAM à hauteur de 22 euros au professionnel (qui doit remplir une feuille maladie à chaque séance pour se faire rembourser). A l'issue de ces 10 séances, le professionnel doit fournir un nouveau bilan au médecin généraliste rendant compte de son suivi et éventuellement justifiant de la nécessité de 10 nouvelles séances, dites cette fois-ci “structurées", d'une durée de 45 minutes chacune et rémunérée 32 euros. Un psychiatre peut alors être invité à évaluer à ce moment là la situation et évenutellement décider d'orienter plutôt le suivi vers un traitement psychiatrique, si le patient est à ce moment là considéré comme manifestant plutôt un trouble dépressif “sévère" (niveau qui l'exclut du dispositif). La totalité du suivi (20 séances maximum donc) ne pouvant pas dépasser 12 mois.
Vous trouverez ci-dessous les documents officiels communiqués par l'ARS et la CPAM :
– La synthèse du dispositif (cliquer ici)
– Le guide pratique à destination des professionnels (cliquer ici)
– Le guide pratique à destination des patients (cliquer ici)
– La convention cadre d'engagement (cliquer ici)
– Les échelles aidant à l'inclusion dans le dispositif (cliquer ici)
– La notice pour remplir la feuille de soin (cliquer ici)
– Les supports ayant servi aux trois réunions d'information organisées par l'ARS Occitanie en novembre dernier (cliquer ici)
Des éléments contraires à l'exercice et au code de déontologie des psychologues, dénoncés par les instances représentatives de notre profession
Ce dispositif pourrait apparaître, de prime abord, fort séduisant et utile. En effet, il semble oeuvrer pour un accès à tous à une prise en charge psychologique, tout en soulageant les dépenses de la Sécurité Sociale liées aux souffrances mentales d’une part, et les Centres Médico-Psychologiques lourdement débordés d’autre part, et tout en permettant peut-être à des psychologues indépendants – en particulier ceux qui démarrent leur activité – de se créer une patientèle/clientèle plus facilement et plus rapidement. Il pourrait aussi apparaître flatteur pour notre profession de psychologue, puisqu’il semble en reconnaître le bienfait des psychothérapies menées au côté ou en remplacement d’une médicamentation chimique. Des objectifs apparemment louables donc (accès à un accompagnement psychologique facilité et sans frais pour l’usager, et diminution de la prescription médicamenteuse). Mais des objectifs qui dans les faits revêtent de vrais écueils à ce qui fonde notre profession de psychologue et représentent un grand danger pour elle. Les éléments délétères principaux sont les suivants :
– Une préconisation vers des psychologues clinicien (là où notre titre de psychologue est un titre unique, recouvrant tous les champs, et qu’il appartient à chaque psychologue uniquement, en accord avec le code de déontologie, de pratiquer dans son domaine de prédilection)
– Une prescription médicale obligatoire (là où notre titre de psychologue et nos fonctions reposent sur une totale autonomie d’exercice et de diagnostic), auprès de médecins généralistes qui n’ont pas forcément la formation adéquate afin d’évaluer les troubles psychologiques (là où des études montrent de surcroît que l’accès au soin psychologique est retardé voire annulé lorsque le patient se sent obligé de passer par un médecin généraliste).
– Des compte-rendus sous forme de bilans (celui de validation pour un suivi d’entretiens de soutien et celui de demande de renouvellement en vue d’entretiens structurés) adressés au médecin généraliste prescripteur (là encore contrevenant à l’autonomie de l’exercice du psychologue, mais nuisant aussi à la confidentialité du suivi).
– Un cloisonnement du remboursement, uniquement réservé à des demandeurs reconnus comme dépressifs “légers" ou “modérés" (quid de ceux reconnus comme “sévères" ? Et des autres demandes ou autres pathologies ne relevant pas de la dépression ?), et la valeur du diagnostic (est-ce aux médecins généralistes d’indiquer si un patient est dépressif ou non, sur la simple base de deux minis questionnaires ?).
– Une imposition pour chaque séance d’un tarif très faible (22 euros de remboursement non négociable) et d’une durée limitée très courte (30 minutes), d’un nombre de séances (10 maximum éventuellement renouvelable une fois) et d’une durée du suivi limitée (12 mois maximum) pas forcément adaptée au type d’accompagnement usité pour ces troubles et aux réalités de l’exercice en libéral du psychologue.
– Une mise en concurrence des psychologues avec les psychothérapeutes (ces-derniers ne pouvant pas toujours se prévaloir du même niveau de formation ni d’expérience).
– Une prévalence faite aux thérapies cognitives, comme en témoignent le type d’entretiens (dits de soutien ou structurés) préconisé, les éléments de langage qui leur sont associés, la philosophie même du dispositif, la présence d’une association fédérant ce type d’approche comme porteuse du projet au côté du Ministère de la Santé, et les références faites au rapport INSERM datant de 2004 portant sur l’évaluation des psychothérapies (là où notre profession repose sur un titre unique, celui de psychologue, et se refuse de hérarchiser les approches issues des différentes spéciialités).
– Enfin, une absence de réelles concertations pour penser ce dispositif, la grande part des psychologues indépendants et des enseignants-chercheurs en psychologie en université n’ayant pas été invités à participer aux réunions d’informations préparatoires.
Les syndicats (le Syndicat National des Psychologues ou la CGT entre autres), les Collèges de psychologues, la Fédération Française de Psychologie et des Psychologues, ou encore l’Association des Enseignants en Psychologie des Universités se mobilisent contre ce dispsitif (plus de 10 000 signatures obtenues à la pétition en ligne ici). Vous trouverez par ailleurs différents communiqués ci-dessous, rédigés pour certains par les instances défendant ou représentant notre professione de psychologue. Notons que même les internes et jeunes médecins ont eux aussi dénoncé ce dispositif via une lettre ouverte à la Ministre des Solidarités et de la Santé.
– Communiqué du CGT – FFPP – SIUEERPP – SNP (cliquer ici)
– Communiqué du SNP (cliquer ici)
– Communiqué de la FFPP (cliquer ici)
– Communiqué de la CGT (cliquer ici)
– Communiqué de l’intercollège des psychologues des secteurs sanitaire et social Midi-Pyrénées (cliquer ici)
– Communiqué CGT-UFMICT, FFPP, SIUEERPP et SNP ; Bilan des expérimentations des consultations en libéral pour adultes (cliquer ici)
– Communiqué UFMICT-CGT rapport IGAS-psychologue (cliquer ici)
– Nouvelle pétition en ligne contre ce dispositif (plus de 13 000 signatures obtenues déjà ici).
– Communiqué UFMICT-CGT 14 janvier 2021 (cliquer ici).
– Communiqué du SNP 11 mars 2021 (cliquer ici).
Conséquences nuisibles et contre-productives à craindre d'un tel dispositif.
Malgré de bonnes intentions apparentes, les psychologues, comme leurs usagers, ont donc d'excellentes raisons de craindre les conséquences que ce dispositif, tel qu'il est actuellement expérimenté, pourrait générer sur l'avenir de notre profession et la qualité des prises en charge psychologiques. Parmi ces conséquences à craindre, les principales qui nous ont été signalées sont les suivantes :
– L'accès à tous à un accompagnement psychologique existe déjà, au sein des CMP notamment. Si une des conséquences sûrement attendue d'un tel dispositif est le désengorgement de ces centres dont on connaît le temps d'attente très long que la plupart sont contraints d'imposer, il est surtout à craindre, dans une logique d'externalisation des soins dues notamment aux restrictions subies par les services publics, qu'au lieu d'y augmenter le nombre de postes de psychologues on n'en renouvelle pas certains.
– Concernant les usagers qui sont en recherche d' un accompagnement psychologique, ils risquent d'être de plus en plus nombreux (nous en constatons malheureusement déjà les effets néfastes via les demandes quotidiennes d'orientation que nous recevons au service d'orientation de la Maison de la Psychologie) à souhaiter un suivi auprès de professionnels “conventionnés ARS" dans l'espoir de bénéficier d'un remboursement, sans pour autant qu'ils y aient droit (la majorité des demandes de consultation ne rentrant pas dans le cadre de la dépression, et les personnes par ailleurs ayant déjà un parcours psychiatrique n'étant pas autorisées non plus à bénéficier de ce protocole).
– Certains patients, déjà engagés dans un processus thérapeutique, vont être tentés de demander au professionnel non conventionné ARS qui les accompagne pourquoi ne pourraient-ils pas eux aussi bénéficier d'un remboursement (processus qui risque de bouleverser l'alliance thérapeutique mais aussi à pousser de façon perverse certains professionnels à faire la démarche, bon gré mal gré, afin d'être conventionné ARS).
– Concernant les assurances ou mutuelles, de plus en plus nombreuses jusqu'ici à proposer des remboursements de prises en charge psychologiques, il est à craindre qu'elles s'en désengagent dans l'avenir.
– Concernant le passage et sa prescription obligatoires chez un médecin généraliste pour démarrer éventuellement un suivi, il est à craindre que se généralise l'assujetissement du psychologue au médecin, tant dans la représentation du grand public que dans le réel de la pratique, là où nos aînés se sont chèrement défendus afin de préserver l'autonomie du psychologue dans sa pratique. Assujetissement dont témoigne ce dispositif lorsqu'on analyse, par exemple, le sort réservé aux demandeurs qui seraient considérés comme atteints de troubles dépressifs dits “sévères" ne bénéficiant pas de ce dispositif mais plutôt directement adressés chez un psychiatre. Les bienfaits des psychothérapies pratiquées par un psychologue ne seraient donc valables uniquement lorsqu'il s'agit d'une dépression dite “légère" ou “modérée" ? Et quid des moins de 18 ans et des plus de 60 ans, populations qui pourtant regroupent les plus hauts taux de suicide ?
– Sans compter les clivages au sein de notre profession, déjà que trop divisée, qui vont s'en voir accrus (selon qu'on travaille dans le champ de la santé ou pas, que l'on soit clinicien ou pas, que l'on soit conventionné ARS ou pas, que l'on exerce avec telle approche thérapeutique plutôt qu'une autre, etc.).
– Enfin, le temps des séances limité à 30 minutes ne correspond pas à la grande partie des accompagnements menés sur le terrain, et les faibles rémunérations proposées ne permettent pas à un psychologue travaillant en tant qu'indépendant de subvenir à ses besoins. Il est à craindre une précarisation de notre profession, une baisse de qualité (le professionnel étant contraint de traiter plus rapidement les cas) et que seuls les professionnels qui démarrent, dont le cabinet est à remplir, s'inscrivent à un tel dispositif, ne permettant pas aux usagers d'avoir un réel choix thérapeutique ni une réelle qualité dans le suivi.
La Maison de la Psychologie, de par son réseau d'universitaires/praticiens aguêrris et de nombreux psychologues bénéficiant de ses services, autant que de par les liens multiples qu'elle noue avec plusieurs institutions publiques (à travers les interventions qu'elle y effectue, ou les dispositifs qu'elle y a mis en place) et le sérieux qu'elle véhicule, est ici en mesure d'alerter et d'informer un certain nombre de psychologues ainsi que le grand public autour de ce dispositif. D'autant que deux de ses antennes sont installées dans des departements où cette expérimentation est menée. D'après les informations qui lui sont remontées, il semble qu'au final peu de psychologues se soient engagés jusqu'ici dans ce dispositif. Il est clair que si aucun psychologue n'accepte d'être conventionné ARS dans ce cadre, si aucun n'accepte d'être mentionné sur sa fameuse “liste", l'expérimentation, de fait, serait avortée, et les décideurs contraints cette fois-ci de faire appel à l'ensemble des psychologues pour qu'une réelle concertation ait lieu, afin de proposer des remboursements, oui, mais dans un cadre qui respecte autant le titre et le code de déontologie des psychologues que son indépendance dans sa pratique et la demande du patient, que la qualité des prises en charge y soit favorisée, que les savoirs du psychologue y soient protégés et reconnus, en évitant une paramédicalisation qui serait nuisible à notre porofession. Des permanences informatives autour de ce protocole expérimental ont très vite été organisées au sein des locaux de la Maison de la Psychologie en ce début d'année, dès que l'annonce de la mise en place de ce dispositif a été faite. De nombreuses rencontres, discussions et propositions en ont émergé. Ces réflexions se poursuivent. Ainsi, si vous souhaitez vous informer sur ce sujet, ou apporter votre témoignage, n'hésitez pas à venir rencontrer vos collègues lors de ses prochaines permanences.
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